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Val en poésie
8 juillet 2021

ADALBERT par Annie Leroy - nouvelle présentée au concours des médiathèques des Paris Vallée de la Marne

Leroy - nouvelle - clovis

 

PARIS ! Me voilà à PARIS… Mon Référent m’avait prévenu : « ADALBERT, PARIS n’a plus rien à voir avec la petite bourgade que tu as connue. Celle conquise lors de la Grande Offensive du Sud de CLOVIS, en 486, n’est plus. En 2007, PARIS est devenue une immense métropole où plusieurs millions (!) d’hommes et de femmes logent et travaillent. Une véritable fourmilière ! Voici un plan : apprends-le par cœur, tu en auras besoin… »

Eh bien, m’y voici. Quelle foule ! Tant d’êtres humains qui se croisent, se dépassent - souvent en courant – sans échanger un mot, têtes baissées. Et tous ces véhicules, sans chevaux pour les tracter, qui roulent en tous sens avec un bruit terrible. Et toutes ces bâtisses en pierre, si hautes qu’elles caressent le ciel ! Voyons, comment trouver le logement qui m’est réservé jusqu’à la fin de ma mission ? Je n’ose demander de l’aide. J’ai peur de mal maîtriser un langage moderne, de devoir justifier de ma présence. J’évite de m’arrêter devant les devantures des nombreuses boutiques : je ne reconnais pas mon image ! On m’a coupé cheveux et moustaches. Ca vous transforme un homme… Engoncé dans des vêtements bizarres, mon allure bizarre va-t-elle intriguer les passants ? Que répondre à des questions insistantes ?

En revanche, je veux bien, à vous, conter mon histoire.

ADALBERT, je m’appelle ADALBERT, Franc Salien, né en 468 à TOURNAI, fils de THEOBALD. Ma famille possédait une grande propriété agricole, très prospère, que les hommes quittaient traditionnellement, dès l’âge de quinze ans, pour participer aux campagnes militaires du chef de guerre du royaume.

C’est ainsi que, tout naturellement, dès 483, j’ai intégré la troupe levée par CLOVIS, dont je devins l’un des plus fidèles lieutenants. Je l’ai accompagné, pendant plus de vingt ans, dans sa quête pour l’extension, l’unification du petit territoire dont il a hérité de son père, CHILDERIC 1ER.

A quinze ans, jamais je n’aurais pu imaginer ce qu’allait devenir ma vie ! Une alternance de campagnes militaires et de séquences de vie rurale avec mes parents, ma douce épouse GERSANDE – fille de BATHILDE et d’AMALRIC – qui m’a donné six beaux enfants, dont trois morts en bas âge. Ô Mon épouse tant aimée, si courageuse, qui a su gérer avec sagesse et profit notre grande ferme, avec l’aide de nos robustes paysans ! A chacun de mes retours à la terre, je trouvais tout en ordre et jouissais pleinement du « repos du guerrier ».

J’en avais bien besoin ! Suivre CLOVIS n’avait rien de simple ! Avec lui, j’ai combattu les Gallo-Romains – conduits par SYAGRIUS – les Alamans, les Burgondes, les Wisigoths, du Nord au Sud de ce qu’on appelait la Gaule. Bien des villes : SOISSONS (en 486) TOLBIAC (en 496) PARIS… et bien d’autres encore, ont succombé à nos charges héroïques. Résonnent encore à mon oreille le fracas de ces terribles combats où j’ai su me faire remarquer par ma vaillance ; où je me suis distingué, également, par mon ardeur à participer – coutumes de l’époque – aux effroyables tueries des vaincus (hommes, vieillards et enfants) aux viols de leurs femmes et au pillage de leurs biens, que nous nous partagions, entre vainqueurs, par tirage au sort.

J’étais là, bien sûr, lors de l’Affaire du Vase de SOISSONS. Je peux vous en parler er rétablir certaines vérités !

J’étais là, bien sûr, lorsque CLOVIS, qui l’avait promis à sa pieuse épouse CLOTILDE, a embrassé la religion chrétienne après la victoire de TOLBIAC. Et, comme trois mille braves, je me suis fait baptiser aussi le jour de Noël. Quel événement extraordinaire, qui a changé la face de notre monde ! Et surtout… a offert nombre de nouvelles alliances à CLOVIS, lui permettant d’étendre les limites de son royaume, grâce à la protection d’une autorité forte, celle de REMY, l’Evêque de REIMS.

CLOVIS, aussi habile négociateur que valeureux chef de guerre ! Je l’aurais suivi jusqu’au bout du monde… et jusqu’au bout de ma vie ! Ce fut d’ailleurs le cas, quand, devant VOUILLE, en 507, désarçonné, le crâne ouvert en deux, j’ai expiré dans ses bras.

Alors, mon âme s’est élevée jusqu’au ciel. J’ai frappé à la porte sacrée gardée par SAINT PIERRE. Converti depuis presque dix ans, je croyais accéder directement au Paradis.

Or, là, m’attendait un aréopage, sorte de tribunal, chargé de mesurer la balance entre le bien et le mal que j’avais répandus sur terre. Après avoir étudié mon plaidoyer – et pris conseil – SAINT PIERRE énonça la sentence :

« ADALBERT, nous sommes convaincus de tes qualités : bon fils ; bon père ; bon époux ; fidélité exemplaire à ton suzerain ; courage physique et moral et, bien sûr, nous sommes sensibles à ta conversion à notre foi. En revanche, nous ne pouvons effacer toutes les exactions que tu as commises, sous couvert des combats auxquels tu as participé. Combien de meurtres inutiles ! Combien de vieillards impotents, d’enfants –même au berceau- massacrés ! Combien de femmes violées, parfois laissées pour mortes ou peu s’en faut ? Combien d’incendies ravageant les récoltes pour affamer des populations entières ? Sans aucun remord !

Non, nous ne pouvons pas t’accueillir en Paradis. Eu égard à ton cœur fidèle, nous t’éviterons l’Enfer. Nous te condamnons à mille cinq cents ans de Purgatoire. Tu y suivras une rééducation morale exemplaire. Rendez-vous à l’an 2007 de notre ère ! ».

Ainsi fut fait. Lorsque je revins par devant ce « tribunal » en janvier 2007, pour un examen de ma période « d’essai » de quinze siècles, voici ce qui me fut édicté :

« ADALBERT, tu t’es bien comporté au Purgatoire. Cependant, avant de t’admettre au Paradis, nous voulons t’imposer une nouvelle épreuve. Sous la surveillance d’un « Référent », nous te renverrons sur terre, à PARIS, capitale de la FRANCE – tu vois, le nom des FRANCS a eu un « franc succès » ! – pour y accomplir une mission particulière. Pendant vingt ans, tu seras chargé de contacter des âmes sélectionnées par notre commission de Passage, afin de les guider, les aider à orienter, vers le bien, le reste de leur vie terrestre et, ainsi, améliorer le score à présenter auprès du Tribunal que tu connais. Ton référent - ODILON – t’instruira sur les transformations subies par le royaume de CLOVIS jusqu’à 2007 ; et t’aidera à devenir un citoyen du vingt et unième siècle. La métamorphose doit être parfaite. Tu as six mois pour y parvenir ».

Et c’est ainsi que, ce premier juillet 2007, je me retrouve à PARIS, totalement perdu. Et je marche, je marche, en suivant les indications d’un plan si touffu que je n’y comprends pas grand-chose. Heureusement qu’ODILON m’a appris à lire ! Mais après seulement six mois d’étude, je suis encore un peu malhabile.

Je sais que je loge près des Arènes de LUTECE. Les Arènes de LUTECE ! Se peut-il qu’elles aient bravé le temps ? Bon, je me trouve rue Monge. Ca monte. Oh, je les vois ! Quelle émotion… Un peu émoussées ces Arènes, m:ais je les reconnais… Je suis arrivé rue Clovis ( !) où je dois demeurer, désormais.

Vite installé – je voyage « léger » - sur les conseils d’ODILON, je vais profiter de mon temps libre pour visiter PARIS, sans trop m’éloigner, cependant, tant je crains de ne pas retrouver mon chemin. Autant me familiariser avec mon « périmètre de travail » avant qu’on ne me confie une âme à préparer pour le grand saut. Quelques gouttes de pluie me font courir pour trouver un abri. Par un heureux hasard, c’est dans une petite bibliothèque, rue Monge, que je me réfugie. Oh, tous ces livres, tous ces livres ! Je n’en ai jamais vus autant… Belle occasion de parfaire mes connaissances relativement sommaires sur l’histoire de – comment dit-on déjà ? – de la France.

Voilà un rayon « histoire » bien fourni. Evidemment, je choisis une chronique du royaume de CLOVIS : l’Histoire des Francs de Grégoire de TOURS. Grégoire de TOURS ? Inconnu de mon temps. Voyons… Evidemment, il est né soixante ans après la mort de CLOVIS, en 511.

Bien agréables, ces petits cabinets où l’on peut se concentrer sur sa lecture ! Oh, non, ça ne s’est pas passé ainsi ! J’y étais, moi ! Non, Grégoire de TOURS, le vase réclamé par l’évêque de REIMS, REMY, n’a pas été fracassé par un guerrier ! Non, mille fois non ! Et pour cause : ce vase était en argent. Il a donc été splendidement cabossé mais bien rendu, en l’état, par CLOVIS à son destinataire. Plus tard, ce dernier l’ a fait fondre pour en faire un encensoir et un calice.

Je suis hors de moi. Comment peut-on laisser répandre de tels mensonges ? Dans quel but ? Y a-t-il un intérêt à transformer, ainsi, la vérité des faits ? Qui veut-on manipuler ? Grégoire de TOURS a-t-il été confondu de péché mortel par le Grand Tribunal ?

Il me tarde de retrouver mon Référent et de solliciter son éclairage sur tous ces points. Dieu merci, nous avons rendez-vous ce soir même.

« ADALBERT – me dit ODILON – garde toi de tout jugement hâtif. Si le mensonge de Grégoire de TOURS est avéré – encore que les témoignages recueillis à l’époque, d’une fiabilité douteuse, se soient dilués dans le temps et l’espace – tentons d’en comprendre le bien-fondé politique. N’était-il pas indispensable d’asseoir solidement les fondements de la dynastie mérovingienne pour assurer la sécurité des peuples disparates du territoire conquis par les Francs ? Peut-être s’agissait-il d’un « mensonge d’Etat » ! Qui sommes-nous pour en juger aujourd’hui ? Et puis, la légende est belle !

Mon ami, je vais, maintenant, te présenter ton « patient ». Un long et délicat travail t’attend. Sois bienveillant et efficace !  Viens ; installons-nous à la terrasse d’un café, rue Mouffetard. Choisis ta consommation. Oh, ici, pas de cervoise ! Si tu hésites, commande de la bière ».

Soudain, un individu sort d’un immeuble cossu.

« C’est lui « ! s’exclame ODILON. Voici Frédéric. Observe-le bien, car tu dois rapidement entrer en contact. Sache que cet homme, qui parait doux et poli, devenu alcoolique, brutalise son épouse et ses deux enfants. De jour, comme de nuit, les humiliations, les coups pleuvent. Tous trois vivent un enfer ! A toi de rechercher l’origine de cette violence. Quelle blessure narcissique ; quelle maltraitance de jeunesse engendra-t-elle ce comportement délétère chez un être, à priori, sensible et aimant ? L’a transformé en bête féroce ? Trouve la clé pour qu’il redevienne celui que sa compagne a aimé. Sois le vecteur de sa métamorphose ! Le temps presse car un accident de circulation le guette… »

« Vaste programme », pensai-je…

 

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