Coco et Rico par Mireille Héros

Ils s’appellent Coco et Rico. Ils sont nés à Bamako sur les rives du fleuve Niger. A eux deux, ils totalisent 80 ans mais ils tiennent dans le creux d’une main. L’un est orange et l’autre bleu et vivent en couple depuis leur arrivée à Orly. La chute malencontreuse d’un colis leur a ouvert les portes de la liberté. L’hypothermie les guettant, ils ont eu le réflexe de se réfugier sur les branches d’un sapin dans la résidence du Chêne à Massy Palaiseau. Séduit par la couleur de leur plumage, Mathis les a recueillis, leur a fait un nid dans un coin de la cuisine où les deux volatiles s’ébattent à qui mieux mieux. Ils se perchent dans les endroits les plus improbables et notamment sur la tête de leur propriétaire. Celui-ci ne manque pas d’imagination et leur fait prendre leur bain dans un poêlon à raclette. A force de patience, Mathis leur a appris à parler. Tant et si bien que quand l’un dit maman l’autre répond Police. Bien mal lui en a pris.

Un jour, pour la fête des voisins, les dealers du quartier organisent un barbecue géant avec des saucisses hallal aux herbes. Dès le matin tous les hommes se mettent au boulot pour monter les barnums, mettre en place tables et chaises, installer la buvette et les barils coupés en deux qui font office de barbecue. Chaque famille apporte la spécialité de sa région quiche lorraine, chorizo, nems, cornes de gazelle… La sangria trinque avec le coca, le rosé avec le Fanta. On célèbre l’amitié entre les peuples. C’est la fête.

Arrive le moment tant attendu où chacun grille sa saucisse : Leïla demande à Assia sa voisine :

- « tu ne trouves pas que ça sent bizarre ?

- Oui, on dirait une odeur de goudron

- Ça vient peut être des tonneaux »

La fête continue mais l’odeur s’amplifie à tel point que les voisins qui sont restés chez eux commencent à s’énerver :

- « C’est pas fini votre bordel de barbecue. Ça pue, s’indigne un voisin du Bâtiment Ampère

- Ça pue la schnouf rétorque celui du 3ème, un expert en la matière mais qui préfère fumer en solo. »

Au bout d’une centaine de saucisses, l’odeur devient insupportable et les grincheux en appellent aux forces de l’ordre qui arrivent sirènes hurlantes dans un crissement de pneus digne de Starky et Hutch. Dans le brouhaha des explications, ils entendent « Maman …. Police, Maman… Police … J’aime le jambon et la saucisse au cannabis». Tout d’abord interloqués, les flics n’en croient pas leurs oreilles quand ils aperçoivent au bord d’une fenêtre Coco et Rico. Les deux perroquets terminèrent leur journée dans une cage au commissariat.

Mireille Héros

Club des Poètes

22 janvier 2021