L’ombre sort de la fraîcheur. Elle emporte dans ses voiles le mauvais sort et s’envole avec bonheur vers la butte de Montmartre. Assis sur un banc, au pied du funiculaire, un poète aux cheveux blancs trace ses vers à l’encre des souvenirs. Revient alors le temps béni où les troubadours prenaient leur lyre et déclamaient ballades et sonnets à la gloire de la Butte . Tantôt joyeux, tantôt tristes. Peu importait, l’essentiel résidait dans l’amour du verbe et de la belle rime.

Aujourd’hui, le spleen envahit la place du Tertre, vidée de ses troubadours et de ses peintres. Les rides se creusent sur le front du poète nostalgique. Sa plume court sur le vélin blanc, se courbe au fil des pleins et des déliés des jours anciens. Il songe à ce recueil de poésies d’Alfred de Musset qui lui avait valu bien des soucis à l’école. Il avait fallu toute la force de persuasion de son institutrice pour le convaincre que la lecture n’était pas une marâtre mais une nymphe qui vous conduit au pays des chimères. Parfois certains noms propres désertent sa mémoire sur la pointe des pieds. Celle-ci ne conserve que ceux chers au cœur du vieil homme et ignore tous ceux associés à la tristesse d’un amour brisé, d’une déception ou pire encore de la perte d’un ami.

Le poète en est là dans ses réflexions lorsqu’un ballon vient butter contre ses jambes. Ses yeux lancent des éclairs contre l’importun qui s’excuse avec un « pardon M’sieur ». Subjugué par la joie de vivre de l’enfant, il se souvient d’une citation de Bernard Pivot « quand l’avenir est mesuré, on prend tout son temps ». Alors, il rend le ballon au poulbot et lui dit : »merci pour ce cadeau ».

Mireille Héros

24 mars 2021

Le poète de Montmartre par Mireille Héros

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