Lettre au perce-neige par Irène Gahéry
Je te revois, courageux Perce-neige. C'était encore le temps où l'horizon aspirait la course du soleil.
Blêmes et alourdis, des hordes de nuages s'étaient répandus en légères chutes, blanches et virevoltantes. La nuit avait alors rayonné de sa propre lumière.
Et au petit matin, tu étais là, hissé hors de la croûte cristalline que tu avais vaincue. Bravement, avec armes et bagages. Tes feuilles tendues comme des griffes, fines et naïves épées. À la pointe de ta frêle et haute tige, porté comme une lanterne, pendait un bouton bien clos tel une grosse perle de lait. Et bientôt ta tête de nonne coiffée d'une cornette, blancheur virginale gardant le secret de ton petit cœur safran.
Le soleil revenu t'avait nimbé de lumière.
L'audacieux petit soldat était devenu un pèlerin, en route pour proclamer la promesse du printemps et ouvrir le chemin à ton cousin le muguet.
Irène Gahéry
Hommage à Christian Bobin