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Val en poésie
7 septembre 2021

Un coup du destin par Nicole Demeester - nouvelle présentée au concours des médiathèques de Paris Vallée de la Marne

Demeester - un coup du destin clover-445255_1920 (1)

 

Avril 2021. Marc Duval, environ cinquante ans, occupe depuis quatre mois un bel appartement de trois pièces dans un immeuble au style Louis Philippe, rue Notre-Dame de Lorette à Paris.

Il a fière allure dans son grand pardessus noir et, sous son chapeau, on aperçoit ses cheveux poivre et sel. Son visage arrondi et sa petite moustache lui donnent un air à la Poirot. Il ne porte pas d'alliance et pourtant à son annulaire, on distingue une marque sur sa peau bronzée. Dans ses grands yeux verts, tirant sur le gris, on perçoit de la tristesse.

Marc Duval est sorti tôt ce matin. Elle a guetté ses pas dans l’escalier. Avant de partir au travail, tout en buvant un café, elle le regarde depuis sa fenêtre ouverte sur la rue.

Il marche d'un pas décidé. Il s'arrête et interpelle une passante. Sa voix est ferme. Il porte une sacoche de très belle qualité. Peut-être est-il banquier, avocat ou médecin ! Plutôt médecin, se dit-elle, car il rentre tard parfois.

Elle se dit qu’elle va l’aborder lorsqu’il passera près d’elle. Ce personnage l'intrigue, par sa discrétion, son air mélancolique. Elle se demande quelle vie a-t-il eue ? Quelle vie a-t-il maintenant ?

Elle ne lui a jamais parlé. Lorsqu’elle l’a croisé à plusieurs reprises, il n'a pas eu un regard pour elle, toujours pressé. Sa curiosité la pousse à en savoir plus sur lui.

Vers dix-neuf heures, elle l’aperçoit de loin, alors qu’elle marche sur le trottoir du faubourg Montmartre. Il est presque à sa hauteur quand tout à coup elle se tord la cheville et s'écroule devant lui. Va-t-il s'arrêter ou passer son chemin ?

Accroupie, elle tient sa tête à deux mains, quand elle entend : « ça va Madame ? Puis-je vous aider ? ». Elle se relève, soutenue par cet homme galant et ils font quelques pas.

Est-ce que je vous connais ? demande t-il. On s'est déjà rencontré ?

Oui, je vous ai déjà vu, j'habite au 12 rue Notre-Dame de Lorette.

Ah ! dit-il, moi aussi, c'est pour ça qu'il me semblait vous connaître. Venez, je vais vous raccompagner.

Sa cheville est peu douloureuse, mais elle s'accroche à son bras. Ils marchent silencieusement, ni l’un ni l’autre n’osant parler.

Ils passent devant l’Eglise Notre-Dame de Lorette, bel édifice datant du XIXème siècle, dont l'architecture est néo-classique. Elle y est entrée plusieurs fois, quand elle espérait un signe de la Providence.

Arrivés devant l'immeuble où tous deux habitent, elle lui dit :

Je veux vous remercier. Vous ne m’avez pas dit votre nom ?

Duval ! Marc Duval. Et vous Madame ?

Juliette, seulement Juliette.

Il la détaille. La trentaine, blonde, cheveux courts ondulés. Sa taille est fine, habillée avec soin, mais on devine que ses vêtements sont bon marché. Trop maquillée, jupe trop courte à son goût. Elle a un regard rieur et charmeur.

Voulez-vous venir boire un verre ? À moins que vous ne soyez pressé de rentrer chez vous ! On vous attend peut-être ?

Volontiers … Juliette, répond-il, personne ne m’attend.

L’appartement de deux pièces, occupé par Juliette, est situé au premier étage. Marc Duval l’informe que le sien est au quatrième. Dans cet espace petit, mais chaleureux, où tout est bien rangé, l'atmosphère se détend un peu.

De ses yeux tristes, Marc Duval la regarde. Juliette lui demande :

Que faites-vous à Paris ? Et dans la vie ?

Oh ! C'est une longue histoire.

J'ai tout mon temps.

Juliette dispose sur la table deux verres, une bouteille de limonade, des chips et des gâteaux secs.

Après avoir bu une gorgée de limonade, s’essuyant les lèvres, Marc Duval commence doucement à parler :

« Je suis né en 1965, dans un petit village de Normandie. J’ai grandi dans une famille aimante, libre d’aller où bon me semblait durant ma jeunesse. Courir dans les champs après l’école, regarder les étoiles à la nuit tombée étaient mes passe-temps favoris.

J’ai bien travaillé à l’école, le globe terrestre de la classe n’avait plus aucun secret pour moi. J’étais curieux de tout. Je voulais voir la ville et aller même au-delà.

J’ai continué mes études à Caen pour devenir professeur d'histoire et géographie. Dans cette ville portuaire, se trouve un château, érigé vers 1060 par Guillaume le Conquérant. C'est moi qui étais conquis.

Après des voyages un peu partout dans le monde, dont l’Egypte, la Grèce, les Indes et bien d’autres magnifiques pays, en 1995, j’ai posé mes valises à Bayeux, jolie ville médiévale aux rues pavées et maisons à colombages. Sa cathédrale construite en style romain gothique et ses tapisseries célèbres m’ont subjugué. J’avais ici bien des endroits à visiter.

Chaque dimanche, comme je n’étais pas loin de chez mes parents, je leur rendais visite. Nous avons toujours gardé un lien fort et ils collectionnaient les cartes envoyées lors de chacun de mes voyages.

J’ai décroché un poste de professeur d’histoire et géographie et j’ai enseigné dans un lycée puis à l’Université de Caen, située à trente kilomètres de Bayeux. Je m’épanouissais dans ce métier, je pouvais parler des heures entières des pays et des villes que j’avais traversés. Je m’écartais quelquefois du programme ! La sonnerie de fin des cours surprenait toujours les étudiants qui étaient bouche bée devant mes récits. Je suis sûr que je leur ai donné l’envie d’apprendre et de voyager.

Après les cours, j’ai pris l’habitude de me balader dans le quartier historique de la ville. C’est là que j’ai découvert une librairie « Routes nouvelles ». Le nom m’a incité à pousser la porte. Quel plaisir de voir tous ces livres, bien rangés. Mais ce qui attira mon regard fut la libraire, cheveux bruns, avec de jolies formes, élégante, aux yeux marron, rieurs. Je ne pus détacher mes yeux de son visage.

« Bonjour Monsieur, en quoi puis-je vous aider ? Vous désirez un livre en particulier ? ».

Je n’articulai qu’un seul mot : « Bonjour … ».

Flânant entre les rayons, je la regardais du coin de l’œil, ouvrant quelques livres et je repartis sans rien acheter.

Au revoir Monsieur, à bientôt !

Au revoir Mademoiselle… oui à bientôt.

Le lendemain, puis tous les jours suivants, je suis venu dans cette librairie.

J’ai osé faire quelques compliments à cette jeune femme. Son prénom était comme une invitation : Angélique.

J’ai acheté des dizaines de livres avant de la convier à boire un verre, puis de lui proposer un dîner au restaurant. Une belle histoire s’est construite. Nous parlions littérature, géographie, histoire, poésie.

Nous nous sommes installés dans l’appartement que je louais, plus grand, mais elle a gardé le studio au-dessus de sa librairie. Quelques fois, nous y passions des soirées en amoureux. Angélique nous préparait des dîners aux chandelles. C’était très romantique.

Un an après, le soir de la Saint-Valentin, je trouvai dans mon assiette un paquet cadeau ; elle ouvrit d’abord le sien, c’était un beau stylo de marque. Je déballai le mien et écarquillai les yeux en découvrant … un test de grossesse positif.

Quelle joie ! Nous nous sommes mariés trois semaines après ; je crois bien que c’était la journée de la femme.

En octobre 1996, un fils est venu compléter notre bonheur. « Thibaut aura 25 ans cette année ».

La vie s'est écoulée sereine, pendant plusieurs années, aussi bien à l'Université de Caen, où j'enseignais, que dans mon couple.

Juliette l’interrompt : « Vous n'enseignez plus ? »

Marc lève la main et poursuit.

Malgré mon métier, que j’exerçais avec passion, mon envie de voyager était plus forte que tout. Dès que les vacances arrivaient, je préparais un circuit pour visiter la France, où des trésors ne manquaient pas ! L’Alsace et ses châteaux forts, ses canaux, ses vignobles, les Alpes, les Pyrénées et leurs montagnes, tout me fascinait.

Avec mon épouse et mon fils, durant quelques années, nous avons passé de merveilleuses vacances à découvrir des paysages plus beaux les uns que les autres. Nous dormions dans des chambres d’hôtes où les gens de ces régions nous accueillaient chaleureusement.

Mon épouse ne pouvant pas fermer sa librairie durant toutes les vacances scolaires, je partais souvent seul.

Lorsque mon fils eut dix ans, je l’ai emmené avec moi. Nous avons visité les châteaux de la Loire, comme Chambord, chef-d’œuvre de la Renaissance, Chenonceau connu pour ses magnifiques jardins, mais également le château de Langeais, occupé au 15ème siècle par les comtes de Blois et d’Anjou. Thibaut aimait ces escapades à deux, mais parfois il s’ennuyait de sa mère et de ses copains.

A quinze ans, il a refusé de m’accompagner. Je partis donc à la découverte d’autres contrées. L’Espagne, le Portugal, l’Italie n’ont plus de secrets pour moi.

J’étais de moins en moins à la maison.

« Vous voyez où je veux en venir ? ».

Au printemps 2013, Angélique m'a demandé de choisir. Je l’aimais et je ne pouvais pas supporter de la quitter ni d’arrêter de voyager.

J’ai essayé, vraiment, de privilégier ma vie de famille, mais comme on dit, le naturel revient au galop. Alors un jour, elle a fait ses valises, emportant le nécessaire dans son studio au-dessus de la librairie. J’ai gardé l’appartement, mais petit à petit, ce fut la descente aux enfers, je n'arrivais plus à assumer mes cours, j'arrivais en retard, je buvais plus que de raison. Au bout de six mois de cette vie dissolue, je me suis fait virer de mon travail.

J'étais perdu. Ma femme ne voulait plus me voir et mon fils adolescent refusait de venir chez moi, trop sale, disait-il.

Un an plus tard, ne pouvant plus payer mon loyer, par négligence et manque de revenus, le propriétaire m’a expulsé. Les meubles ont été saisis.

Peu d'argent, plus de logement.

J'ai traîné dans les rues de Caen, vivant avec d'autres marginaux dans des immeubles en chantier.

Cheveux longs, sales, faisant la manche, je suis tombé bien bas.

A plusieurs reprises, lorsque j’avais une place dans un centre d’hébergement d’urgence, je téléphonais à Angélique, mais elle ne voulait pas m’écouter et raccrochait très vite.

Je trimbalais avec moi un sac où j’avais fourré quelques vêtements, des livres et des photos, dont une où nous étions tous les trois, que je gardais toujours sur moi, dans la poche intérieure du blouson que je portais.

J’étais devenu un sans-abri, un vagabond.

« Cela a duré cinq ans, vous m’entendez Juliette, cinq ans ! ».

Des larmes coulent sur ses joues ; sur celles de Juliette aussi ; Marc ne peut plus parler. Elle lui tend un mouchoir en papier. Il lui sourit et reprend son récit.

Cinq ans à vivre dans la rue, à tendre la main pour pouvoir manger et boire du mauvais vin, à fouiller dans les poubelles – Ah ! J’en ai trouvé des choses jetées et qui pouvaient encore servir – d’ailleurs j’en ai revendu à la sauvette.

Je dormais dans les jardins publics quand je ne me faisais pas déloger par la police. Le jour, je marchais sans but. Le plus difficile était de trouver un endroit pour se laver afin de garder un peu de dignité. Mais à ce moment-là, la dignité ! Marc Duval lève les yeux au ciel.

Une nuit, je me suis fait voler le peu que j’avais. Sauf la photo !

L’été, avec mes compagnons de misère, nous traînions le long des rives de l’Orne, nous faisions aussi le tour du stade nautique Eugène Maës. Nous ne pouvions pas y passer la nuit, mais dans la journée, nous croisions des jeunes, des couples avec leurs enfants.

Cela me faisait penser à mon fils qui grandissait loin de moi ! Mon cœur se serrait. J’aurais voulu le voir, lui parler. Plusieurs fois, durant les premières années de galère, je suis venu devant son lycée pour l’apercevoir, mais je n’ai jamais osé me montrer. Je ne sais pas dans quelle branche il a poursuivi ses études.

Je voulais remonter la pente pour lui, je priais, mais le ciel m’avait laissé tombé lui aussi.

Durant ces années, je suis allé voir mes parents de temps en temps. Ils ne m’ont jamais jugé, mais ils étaient désespérés de me voir sombrer ainsi. Puis mes visites se sont espacées ; j’ai appris le décès de mon père par hasard, en avril 2019.

Après des mois de silence, en arrivant au village, je vis un groupe de personnes vêtues de noir. Elles suivaient un cercueil porté par quatre hommes que je connaissais. Le cortège se dirigeait vers le cimetière. A ce moment-là, j’ai eu peur. Je l’ai suivi sans me soucier des gens, étant méconnaissable.

Au cimetière, caché derrière une tombe, j’ai vu ma mère pleurer et j’ai compris. C’était mon père que l’on enterrait. De loin, levant la tête, ma mère m’a aperçu et m’a souri tristement. Je n’ai pas eu le courage de venir vers elle. Les larmes coulant sur mes joues, je suis reparti.

Ma vie désormais était dans la rue et lorsque l’hiver est arrivé, les bénévoles d’associations nous ont donné des couvertures et quelques vêtements chauds.

Parfois j’allais dans les centres d’hébergement pour me laver et me raser. On nous mettait un lit, des affaires de toilette à disposition et on avait un repas chaud.

En écoutant les gars avec lesquels j’ai sympathisé, j’ai compris que je n’étais pas seul à être tombé si bas après avoir connu le travail, le luxe et l’amour.

J’ai rencontré aussi des femmes qui, après un veuvage ou un divorce, sans emploi, se sont retrouvées à la rue. Celles dont les enfants avaient été placés en famille d’accueil ou en foyer étaient devenues des loques, tellement anéanties, désespérées.

Il y avait des jeunes, filles et garçons, soit qui avaient fugué, soit mis à la porte de chez eux, parce qu’ils étaient différents. Les mineurs étaient ramenés chez leurs parents par les patrouilles de police. Les autres devaient se débrouiller.

Je n’avais plus rien, mais en voyant ces jeunes gens, j’ai eu un déclic et j’ai décidé d’arrêter de boire dans un premier temps. Je leur racontais mes voyages, je les faisais rêver.

Au début de l’année dernière, un jour où je faisais la manche près du tabac « la maison du fumeur » - moi qui ne fume pas – j’ai récupéré dans une poubelle des journaux et des papiers pour les mettre sur le matelas où je dormais, près de la gare de Caen.

Souvent, ma place était prise ; pas de réservation ! Je dormais à même le sol, alors ces journaux seraient les bienvenus si cela arrivait.

Ce soir-là, après avoir erré des heures entières, je retrouvai mon matelas crasseux sur lequel j’ai étalé ma trouvaille. En dépliant les journaux, j’ai trouvé un tas de tickets de jeux à gratter. Par curiosité et amusement, j’ai vérifié ce que les gens auraient pu gagner.

Alors, imaginez, lorsque, sur un des jeux, je remarque que plusieurs étoiles sont découvertes mais que les symboles n'ont pas été grattés, alors je gratte fébrilement et je vois ... mon Dieu, j'ai failli avoir une syncope !

Juliette supplie : « Un ticket gagnant ? Combien, combien ? »

Marc marque une pause, et d’un air mystérieux, dit : « 500.000 euros ! »

Je n'en crus pas mes yeux. J’ai étouffé au fond de moi le cri de joie que j’allais pousser, car mes compagnons de galère dormaient tout près. J'ai caché le billet dans la poche intérieure de mon blouson, près de la photo, et je me suis étendu sur ce matelas de papier, les mains serrées sur mon coeur.

Le lendemain matin, croyant avoir rêvé, j'ai touché la poche de mon blouson. J'ai retiré le ticket et regardé à nouveau, c’était bien cette somme qui était marquée : 500.000 euros ! Pendant un moment, j'ai voulu rapporter le ticket au tabac, puis je me suis dit que, comme il avait été jeté, personne ne savait, personne ne pouvait savoir !

Alors j'ai pris cela comme un coup de pouce du destin.

Je suis allé à la Française des jeux à Caen, leur demandant l'anonymat. J'ai ouvert un compte dans une grande banque, pour y déposer le chèque de 500.000 euros. L’homme à la caisse un poussé un « whaou » avant d’appeler le Directeur. J’ai eu tous les honneurs, mais ce que je voulais c’est de l’argent liquide tout de suite !

J'ai donné quelques centaines d’euros à mes compagnons d'infortune. « T’as gagné au loto ou quoi ? ». Je n’ai rien dit.

Entrant dans une boutique de vêtements, la vendeuse m'a regardé d'un drôle d'air, m'a demandé de partir, disant que ce n'était pas un endroit pour les vagabonds. Faut dire qu’avec mes cheveux longs et ma barbe de plusieurs mois, je faisais un peu peur.

J'ai souri, j'ai choisi des chemises, des pantalons, tout ce qu’il fallait pour me changer, ainsi que ce grand manteau que je porte comme un porte-bonheur.

Juliette remarque qu’il ne l’a pas quitté !

La vendeuse me suivait, soupçonneuse. Arrivé à la caisse, quand j'ai sorti mes billets de banque, elle n'a rien osé dire, juste « au revoir et bonne journée Monsieur ».

J'ai pris une chambre d'hôtel où je me suis douché. J’étais tellement fatigué, mais heureux que je me suis allongé sur le lit et j'ai dormi d’une traite jusqu’au lendemain matin. Mon sommeil a été peuplé de rêves … de voyages.

Après un passage chez le coiffeur, je suis retourné voir ma mère. Je ne l’avais pas vue depuis le décès de mon père. Je lui ai tout raconté. Avant de partir, j’ai déposé une liasse de billets sur la table de la cuisine et j’ai promis de revenir. Elle n’a rien dit mais m’a serré très fort contre elle.

A la gare de Caen, j’ai pris un billet aller pour Paris. Nouvelle destination, nouvelle vie ».

Marc Duval se frotte les yeux.

Il se fait tard Juliette, je vous raconterai la suite une autre fois. Je suis content d'avoir pu parler avec vous. Et vous, que faites-vous dans la vie ?

Euh ! Moi je suis réceptionniste à l’hôtel des Arts. C’est à quinze minutes à pied. Mais c'est vrai, il est tard, nous en parlerons un autre jour.

Vous vous demandez, cher lecteur, ce que Marc Duval a fait des 500.000 euros !

Estimant que cet argent était un don du ciel, il en a placé une partie sur un compte d’assurance-vie avec comme bénéficiaires son fils et sa femme, n’étant toujours pas divorcé. Il a gardé pour lui une jolie somme, en attendant de retrouver du travail.

Marc Duval a fait don du reste au Secours Catholique. Une antenne située dans le 9ème arrondissement de Paris venant en aide aux sans-abri l’a accueilli, sans poser de questions. Il a été logé dans le centre d’hébergement, le temps de retrouver un poste de professeur d’histoire géographie au Lycée Lamartine, grâce aux bénévoles qui l’ont aidé dans sa recherche de travail.

Il a proposé ses services pour faire du soutien scolaire aux jeunes du quartier. En dehors des cours de mathématiques ou de français, il leur raconte ses voyages, son parcours, sa descente aux enfers et le rebondissement. Il apporte à ces adolescents du rêve, mais aussi l’envie de sortir un jour de leur condition sociale.

Marc Duval a retrouvé confiance en lui. Il a quitté le centre d’hébergement pour une chambre d’hôtel dans le quartier Saint Ambroise, puis il a déménagé rue Notre-Dame de Lorette, pour se rapprocher du Lycée Lamartine.

Cela fait plus d’un an qu’il a remonté la pente et il gagne bien sa vie. Malgré cela, et grâce à cette renaissance, il continue à donner des cours de soutien aux jeunes en difficulté.

Chaque matin, en allant au lycée, Marc Duval fait un détour pour passer devant l'hôtel des Arts, où travaille Juliette. C’est un hôtel de charme, deux étoiles, dans un très bel immeuble.

Il s'est pris d’affection pour cette jeune femme qu’il croise parfois dans l’escalier en rentrant chez lui. Ils discutent souvent, mais elle reste discrète sur sa vie.

Régulièrement il va lui dire bonjour à la réception de l’hôtel, mais ce matin-là, il ne s’arrête pas.

Il continue sa route, dépasse le Théâtre le Palace. En 1912, c’était une salle de cinéma, avant de devenir en 1923, un music-hall. C’était le lieu le plus fréquenté de la capitale. Puis le bâtiment est resté désaffecté pendant des années. En 1973, dans un état délabré, le Palace est racheté pour devenir un théâtre. Marc Duval y est allé plusieurs fois et les pièces jouées sont de qualité.

En arrivant devant la librairie « Le tour du monde », il hésite. Va-t-il rebrousser chemin ? Depuis quelques jours, il passe devant celle-ci, attiré par son nom. La vitrine est mise en valeur avec les nouveautés d’auteurs, de jolis stylos et des cartes du monde.

Il n'a pas encore osé entrer, mais aujourd’hui il est décidé.

« Bonjour Madame ».

La libraire, aux cheveux bruns noués en chignon, lui tourne le dos. Elle range des livres dans un rayon. Le cœur de Marc Duval bat la chamade, lorsqu'elle se retourne et lui dit :

« Bonjour Monsieur, en quoi puis-je vous aider ? Vous désirez un livre en particulier ? ».

 

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