Lettre à François Cheng par Mireille Héros
Monsieur François Cheng
C’était à l’île d’Oléron, dans la quiétude d’un bel après-midi de fin d’été. Je vous ai rencontré au détour d’un idéogramme. Il jaillissait comme une source qui murmure, prend son élan, bondit de rocher en rocher et termine sagement sa course au pied d’une montagne.
Dressé sur la berge de vos poèmes, il me faisait signe. Non pas un signe de la main mais un signe de l’âme. Le vent de la sagesse s’est alors levé puis m’a emportée sur les rives de votre univers. Là où le souffle devient signe. Signe de beauté, de pureté, d’humilité.
Le temps s’est arrêté. Votre pinceau a repris son chemin sur l’encre de Chine pour tracer inlassablement des signes, lentement, dans sa quête du vrai et du beau :
Le Vrai toujours
est ce qui naît
d’entre nous
Et qui sans nous
ne serait pas.
Le trait éprouve notre nature profonde, dites-vous. Même sans pratiquer la calligraphie chinoise, réservée au grand Maître que vous êtes, non, ne protestez pas, je suis toujours subjuguée par son élégance, son invite à la méditation, sa capacité à créer des moments de plénitude où l’on se retrouve seul avec soi-même loin des futilités.
Cette quête de l’absolu procure une véritable ivresse qui ignore la passion ou les paradis artificiels. Toucher à la fois la montagne et l’eau, les fleurs et le ciel en poussant simplement la porte de votre jardin, est un vrai bonheur.
Dans la période tourmentée que nous subissons, vous lire, Monsieur François Cheng, est un privilège. Le lettré que vous êtes - poète, essayiste et romancier – voue un amour inconditionnel à notre belle langue. Bon nombre de vos ouvrages peuplent ma bibliothèque. Mais dès que j’éprouve le besoin d’oublier les tracas de la vie, je me réfugie sur le souffle de vos signes.
Mireille Héros
26 mars 2021