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Val en poésie
26 mars 2020

Une vie, une oeuvre : Boris Vian, le courage d'une étoile filante

 

Le Printemps des Poètes a mis Boris Vian à l’honneur à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Une occasion pour parcourir les allées d’une œuvre foisonnante.

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Boris Vian est mort le 23 juin 1959 dans l’indifférence d’une bonne partie de la société. Il avait osé bousculer les certitude des bien pensants et fut mis en quarantaine. Assignation en justice, chansons interdites, boycott de ses pièces, silence assourdissant autour de ses romans.

Chaque fois qu’une porte se ferme, il cherche une autre voie. Il avance vite. Le temps est compté pour cet esprit libre et vagabond :

 

 

 

Je voudrais pas mourir

Sans qu'on ait inventé

Les roses éternelles

La journée de deux heures

La mer à la montagne

La montagne à la mer

La fin de la douleur

Les journaux en couleur

Tous les enfants contents

Et tant de trucs encore

Qui dorment dans les crânes

 

Avec un stylo, sur une scène ou dans une chanson, l’important pour lui est de dire, de partager ce qu’il a besoin de transmettre : ses idées. Peu importe si ses romans se vendent à quelques centaines d’exemplaires ou que ses pièces réunissent une centaine de spectateurs.

 

Il meurt. Il devient une icône pour la jeunesse en mal de liberté qui avalent ses livres, ses chroniques, écoutent ses chansons dont ils apprécient l’ironie. Ses livres sont réédités. L’écume des jours est tiré à plus de deux millions d’exemplaires. Pour son fils Patrick qui lui rend hommage dans le livre du centenaire « Boris était sérieusement en avance sur son temps et notamment en littérature. Boris était hors cadre et hors de son temps et donc pas à la mode. C’était un modèle d’inventivité, poursuit la critique d’art Alexia Guggémos »

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Boris Vian a fait les beaux jours de Saint-Germain des Prés. Ici avec Juliette Gréco

Bon nombre d’auteurs compositeurs comme Serge Gainsbourg s’inscrivent dans sa filiation. Ils ont en commun le goût de la provocation et osent s’attaquer aux institutions les plus symboliques : Gainsbourg chante la Marseillaise en reggae devant un régiment de parachutistes. Vian tape sur les fondements de l’armée avec le déserteur ou encore la java de la bombe atomique

 

Une goutte d’acide Vian et voilà que tout bouillonne

 

Les élèves du lycée de Seaux demandent un jour à leur professeur d’expliquer l’arrache cœur. Réaction indignée des parents qui voient dans ce roman une obsession sexuelle omniprésente.

 

Boris Vian a sans nul doute influencé l’insurrection de mai 68. Il y a fort à parier qu’il a inspiré les slogans « vivre sans temps morts » ou encore « sous les pavés la plage.

 

Boris Vian était également un visionnaire. Il dénonce la société de consommation. Alors qu’elle n’a pas encore commencé, il perçoit les conséquences du modernisme galopant et compose la complainte du progrès

 

Autrefois pour faire sa cour on parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur on offrait son cœur
Maintenant c'est plus pareil, ça change et ça change
Pour séduire le cher ange on lui glisse à l'oreille
"Ah Gudule, viens m'embrasser, et je te donnerai"

Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer et du Dunlopillo
Une cuisinière, avec un four en verre
Des tas de couverts et des pelles à gâteau!
Une tourniquette pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent, un pistolet à gaufres
Un avion pour deux et nous serons heureux!

 

Etonnante, inclassable, l’oeuvre de cet astéroïde foudroyé à 39 ans, nous laisse une œuvre foisonnante et hors du commun.

 

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Retour sur le parcours d’une étoile filante

 

1920, ce sont les années folles. André Gide et Marcel Proust pratiquent la dérision exacerbée par le mouvement Dada. L’art nouveau foisonne et cède le pas à l’art déco.

 

Le 10 mars, Boris Vian voit le jour à Ville-d’Avray (près de Paris). La famille est aisée, le père Paul, est rentier et Yvonne, la mère, pianiste. Elle prénomme son fils Boris en hommage à l’opéra de Moussorgski, Boris Godounov, ce qui entraînera par la suite des malentendus quant à ses origines prétendument russes et dont il s’est toujours défendu.

Paul Vian, personnage original et excentrique, élève ses enfants en marge des conventions bourgeoises et leur transmet son mépris de l’argent, de l’armée et de la religion.

 

1929, le krach boursier à New York , entraîne la ruine de la famille . La villa est louée au rabbin Menuhin exilé de Russie, . La famille Vian se réfugie dans la dépendance du gardien. Boris Vian décrit cette villa dans l’arrache-coeur : « Le jardin s’accrochait partiellement à la falaise et des essences variées croissait sur ses parties abruptes, accessibles à la rigueur, mais laissée le plus souvent à l’état de nature ».

 

1932. Le 28 octobre, le diagnostic tombe. Crise aiguë de rhumatisme articulaire et insuffisance de l’aorte. Les lésions cardiaques pourraient devenir fréquentes et graves pour Boris. Cette pathologie le contraint à manquer souvent les cours du lycée Hoche à Versailles. Avec ses voisins qui ne sont autres que le célèbre violoniste Yehudi Menuhin et les Rostand , lignée de savants et d’écrivains, il joue aux bourrimés.

 

Ton âme de ton corps a brisé la barrière

Et s’accrochant bien vite aux rayons du soleil

Y a grimpé comme au mur poudreux, grimpe un lierre

Pour marier à l’or des cieux ton sang vermeil

 

 

1934 – Boris s’intéresse au jazz : il commence la trompette à 14 ans, joue dans des orchestres amateurs, et s’inscrit au Hot Club de France en 1938. Dans ce lieu unique, on peut écouter des disques américains alors introuvables dans le commerce.

 

1939 - Boris Vian intègre la prestigieuse École centrale, où il obtient un diplôme d’ingénieur. Sa maladie cardiaque lui permet d’échapper au Service du travail obligatoire. Il rejoint l’Association Française de Normalisation où il est chargé de la normalisation des pots à confiture ou encore des cages à oiseaux. En bon normalisateur il rédige un manuel de la norme des injures et commence à écrire des poèmes.

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L’écriture pour passion

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 Sa machine à écrire

Romancier, poète, dramaturge, traducteur, nouvelliste, chroniqueur, scénariste amateur, journaliste jazz...Pour Boris Vian, c'est toujours écrire. Inclassable comme le disait Raymond Queneau . Il noircit des milliers de pages sans rencontrer le succès.

1946 – sortie de Vercoquin et le plancton chez Gallimard . Une histoire d’amitié d’une bande de joyeux lurons. L’action se situe entre deux surprises parties. Lors de la première le Major tombe amoureux de Zizanie et se fiance avec au cours de la deuxième. Vercoquin évoque des vers … ou les verres de goulots de bouteilles que Boris devait normaliser à L’Afnor

 

Sous le pseudo Vernon Sullivan, sortie de j’irai cracher sur vos tombes aux éditions du Scorpion. Vian imagine l’histoire d’un noir à la peau blanche et qui pour venger le lynchage de son frère viole et tue deux jeunes femmes blanches. Un procès pour outrage aux bonne mœurs lui vaut une amende de 100 000 francs

 

C'est à ce moment-là qu'il rencontre le couple Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, piliers du gotha littéraire de Saint-Germain-des-Prés.

 

1950 – l’herbe rouge aux éditions Toutain, un roman de science fiction dans lequel les Martiens envahissent la terre et propagent une herbe rouge qui extermine toute trace de vie y compris la leur.

 

1951 – Le goûter des généraux, une pièce de théâtre antimilitariste

 

1953 – l’arrache-coeur, premier volet d’une trilogie inachevée, où les impotents sont mis aux enchères lors d’une « foire au vieux ». Un texte décapant où toutes les valeurs morales sont abolies

 

1954 – Le déserteur, hymne humaniste qui dénonce la guerre au Vietnam et surtout la défaite de Diên Biên Fu. Il provoque un scandale avec hurlements, provocations ...

 

1957 – Succès de l’Opéra le chevalier de neige dont le livret est signé Boris Vian

 

1959 – lors d’une projection privée de j’irai cracher sur vos tombes, le coeur de l’ingénieur-poète cesse de battre.

 

Boris Vian avait une puissance de travail exceptionnelle :

 

- l’automne à Pékin en trois semaines

- J’irai cracher sur vos tombes en 10 jours

- un poème ou une chanson en 99 minutes

 

Il ne se prenait pas au sérieux et se considérait comme un amateur. Il lançait ses chansons dans l’espace comme des idées au vent dans l’espoir que quelqu’un s’en saisisse.

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Un Oulipien avant l’heure

 

Passionné par la culture de l'absurde, par l'exploration des exercices intellectuels les plus surréalistes, Boris Vian, écrit en 1941 les cent sonnets, qui sera édité en...1984

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En 1952, Il intègre le Collège de pataphysique,un concept qui mêle le réel et l’imaginaire, inventé à la fin du XIXème siècle par l'écrivain Alfred Jarry, auteur de UBU. On y retrouve les surréalistes comme Raymond Queneau, Eugène Ionesco , Jacques Prévert. Ce concept est porté aujourd’hui par l’Oulipo 

(l’ouvroir à la littérature potentielle) et mêle jeu verbal, calembour, dérision...

 

Boris le jazzman

 

En parallèle de sa carrière infructueuse d'écrivain, Boris Vian trouve du réconfort dans sa carrière musicale. Passionné de jazz, il y trouve son refuge, et passe le plus clair de son temps dans les clubs de Saint-Germain-des-Prés. Il s'y fait connaître comme trompettiste, devient critique et journaliste dans plusieurs journaux de jazz dont Jazz Hot. Il anime même des émissions radio dédiées au jazz. C’est la chanson qui lui apporte le succès. Enregistré à la SACEM dès 1954, Boris Vian écrit plusieurs centaines de chansons, qui seront interprétées par lui-même mais aussi par Henri Salvador et Juliette Gréco. Il sera nommé directeur artistique adjoint chez Philips, en janvier 1957.

Mireille HEROS

26 mars 2020

 

 

Boris-Vian-100-ans

A lire

 

- le livre anniversaire : Boris Vian, 100 ans

- Mes maisons d’écrivains d’Evelyne Bloch-Dano (la cité Véron)

- On n’y échappe pas : Boris Vian et L’Oulipo (roman inachevé de Boris Vian et terminé par les membres de l’Oulipo)

- Portrait d'un bricoleur - Genenviève Beauvarlet

 

A consulter : 

Accueil - Boris Vian

Ce site a été mis à votre disposition par les ayants-droit pour vous accompagner dans la découverte de l'œuvre et de la vie de Boris Vian. Cette œuvre a une trajectoire particulière due à la personnalité de l'auteur mais aussi au travail rare et exceptionnel qu'a entrepris son épouse Ursula après la disparition de Boris Vian.

http://www.borisvian.org

 

Un poisson d'avril poeme-boris-vian_3

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